Paris Bamako
Mamadou est de retour, expulsé de France , cette nouvelle rapidement colportée par le bouche à oreille, provoque dans ce petit village du Mali une certaine effervescence. Chacun sait ici , que c’est Mamadou qui assure à ses proches une aide pécuniaire indispensable , et ce retour inattendu ne réjouit personne .
Les anciens du village, rassemblés pour la circonstance ,l’interrogent à ce sujet . Mamadou , abattu et un peu honteux ne sait pas trop comment leur expliquer que son retour, n’est pas de sa faute, mais peuvent ils concevoir sans arrières pensées que les français l’ont chassé pour une simple histoire de papiers. Cette suspicion , Mamadou la ressent et cela ajoute encore à sa peine, il se demande s’il ne va pas, en plus, perdre la confiance des siens . Autrefois , lorsqu’il revenait pour une courte visite ,c’était la joie pour tous, surtout celle des enfants , qui l’admirait , comme s’il revenait de la lune ,et lui se plaisait a les étonner en leur offrant de rutilants petits gadgets de pacotille qui les émerveillaient, et faisait naître en eux le désir de partir un jour vers ce pays de rêve . Là-bas, disait il, même les plus pauvres mangent a leur faim , et la nourriture est parfois si abondante qu’il faut la détruire, il existe aussi des remèdes pour soigner toutes les maladies. Les plus anciens l’écoutaient , à la fois admiratifs et sceptiques, sachant bien que là bas ce n’est pas le paradis d’Allah , mais ils étaient fiers que l’un des leurs soit accepté dans ce pays d’ abondance .
Mamadou serait en ce jour, bien plus à l’aise pour s’expliquer, s’il avait raconté la réalité de son vécu , mais , par pudeur , et peut être aussi par orgueil, il n’avait jamais eu le courage de leur dire qu’au pays des blancs il n’était resté qu’un pauvre nègre, n’ayant pour se loger qu’un meublé insalubre , qu’il partageait avec quelques compagnons de misère . Pouvait il aussi leur dire, que ce n’était qu’au prix de mille privations qu’il parvenait tous les mois a tirer de son salaire, ce petit pécule qu’il leur transmettait par l’intermédiaire d’une association . A ceux des siens qui enviaient son sort, comment avouer, que ce n’était que le souvenir de leur misère, qui lui avait donné l’énergie nécessaire pour supporter son éloignement et parfois des humiliations . Quelle fut cependant grande sa déception, lorsque par application d’une réglementation devenue plus restrictive, le renouvellement de son « Autorisation temporaire de séjour », lui fut refusée , et de ce fait ,l’agence d’intérim qui lui procurait du travail décida de le licencier . Il dû se rendre à l’évidence, la France, ne le voulait plus sur son sol . Un délai de un mois lui fut accordé pour quitter la France . Sa première pensée fut pour ceux, qui là bas attendaient de lui , il n’eut cependant aucun geste de révolte, accablé par un immense sentiment d’impuissance et d’injustice il prit l’avion pour Bamako et rejoignit son village.
Si ceux qui ont décidé mon expulsion , pensait il , avaient connu la faim et l’angoisse qui étreint les habitants de nos villages, lorsque les greniers sont vides , les puits à sec, et que la pluie n’est pas au rendez vous, peut être auraient ils reconsidéré leur décision ? Comment croire que la France , connue pour être le pays promoteur des droits de l’homme, ne puisse pas prendre en compte de telles situations , ne clament ils pas aussi, haut et fort, dans leurs églises que tous les hommes sont des frères ? Pourquoi pour le moins ne nous laissent ils pas ramasser leurs miettes . Lorsque, dans leur course infernale vers Dakar , ils traversent nos villages dans un nuage de poussière , ont-ils le temps de voir sur les bords des pistes , notre population misérable et résignée , peut être pensent ils que nous sommes là pour leur servir de décor , et ap
N’est ce pas là plus ou moins ce que nous avons fait pour améliorer nos conditions
plaudir leurs exploits .
Fuir la pauvreté de son pays , pour aider les siens a survivre est ce un délit ? N’est ce pas là au contraire, le devoir de tout être humain.
Raymond
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