Dans les années cinquante beaucoup de jeunes pour fuir la misère des campagnes et  trouver un emploi plus rémunérateur et moins précaire n’hésitent pas a quitter leur village natal .

Raymond  a réussi a trouver dans la capitale un travail bien payé, et aujourd’hui fier comme Artaban il revient au pays au volant d’une superbe Dyna Panhard. Son retour il le veut triomphal , il va leur montrer a tous ceux qui ont critiqué son départ quelques années auparavant qu’il n’est pas parti pour rien. il n’a pas hésité a s’endetter et mettre toutes ses économies dans l’achat de cette superbe auto , c’est sûr, dans son village ils en ont pas encore vu de pareilles , avec ses formes arrondies protégées par de superbes pare chocs en alliage ,elle ne manque pas de charme, aussi belle a regarder de l’avant que de l’arrière. Pour la circonstance Raymond a même acheté une chemise vert olive parfaitement assortie à la couleur de sa voiture , avec un tel engin son retour ne va pas passer inaperçu ,faut dire aussi que ce n’est pas une voiture très discrète avant de la voir on entend déjà ses furieuses pétarades mais cela n’est pas pour déplaire à Raymond  . Encore quelques kilomètres a longer la rivière ,et il peut enfin après plusieurs heures de route apercevoir le clocher de son village .Cette route certes pas très carrossable il la connaît bien pour l’avoir parcourue tant de fois avec sa vieille bicyclette de marque Peugeot et son guidon relevé si commode pour éventuellement asseoir sur le cadre une passagère . Un souvenir précis lui fait esquisser un sourire ,il se remémore  ce jour ou soufflant et suant il ramène de la fête une fille . Si aujourd’hui elle pouvait me voir pense t’ il .
          Voilà que tout à coup sa voiture se met a tirer fortement a droite , Raymond se rend à l’évidence il vient de crever,c’est bien ma chance, si prés de l’arrivée,quel pays !pense t’il. Heureusement il a tout  prévu , et il sait parfaitement ce qu’il faut faire en pareil cas , avant son départ il a pris soin de vérifier son matériel de secours .Il prend bien soin de se garer a droite au plus prés du mur qui surplombe la rivière. Dans la malle arrière il prends la roue de secours flambant neuve, le cric parfaitement huilé ,et, en homme méticuleux il étale sur le parapet un journal pour ne pas salir les écrous .
            Ce n’est certainement pas  le jour de chance de Raymond a peine a-t-il déposé le dernier écrou sur le journal qu’une brise en soulève le bord et Raymond voit les écrous de sa roue rouler et disparaître dans les flots de la rivière . « Putain de pays s’écria t’il »  A cet instant il voit s’approcher le berger du village qui fait pâturer ses bêtes a flanc de coteau et qui a observé la scène « Ce n’est pas celui là qui va me tirer de là pense t’il, sait il au moins compter ses moutons » . Les deux hommes se connaissent bien le berger l’aborde en lui disant « Tu es venu faire un tour au pays ». Raymond sans même le regarder lui réponds « oui , et si tu savais nager je t’enverrai bien chercher les écrous de ma roue qui ont roulé dans la rivière »Le pâtre un peu vexé par la froideur de la réponse lui réplique « tu voudrais pas quand même pour quatre boulons que je prenne le risque de me noyer ».Laisser sa voiture et partir à pied au village chercher du secours ce n’est pas le retour triomphal que Raymond a rêvé . Sa colère monte d’un cran lorsque le berger lui demande « mais dis moi à Paris qu’est ce que tu faits ?». Raymond agacé et furieux réplique « je redresse la tour Eiffel quand elle penche » .Après quelques instants de réflexion le berger réponds « Pour faire un tel travail tu as du réussir un examen bien difficile , je te trouve pourtant très inquiet pour pas grand-chose .

 Je remarque que tu as encore trois  roues qui ont chacune quatre boulons si tu enlèves un boulon à chaque roue tu pourras en récupérer trois pour monter ta roue de secours , avec trois boulons par roue et en allant un petit peu moins vite tu pourras bien aller jusqu’au garage . » Raymond stupéfait et soulagé par la réponse du berger lui dit « mais c’est pas bête du tout ce que tu me dis là ». « Heureusement répondit le berger que ceux qui sont restés au pays ne sont pas les plus simplets » .