Pour mes 80 ANS 6 janvier 1934)
Pour mes quatre-vingts ans soudain je réalise
que je n'ai pas envie de poser mes valises .
Je veux voir jusqu'au bout la route du destin :
ne pas rester idiot sur le bord du chemin.
Mon train pourrait quitter les rails sans crier « gare! »
et me laisser tout seul sur le quai d'une gare.
N'être certain de rien n'est pas un handicap
quand on est résolu à bien garder le cap.
D'abord ne pas sombrer dans la désespérance,
car vivre aussi longtemps est déjà une chance.
Quand on songe au destin des amis disparus
on remercie le ciel d'avoir autant vécu .
Aux morsures du temps qui éteignent notre âme ,
opposons les refrains qui raniment les flammes !
Avançons vers demain car tous nos hier sont morts .
Notre passé ne sert qu'à prendre notre essor,
vers de nouveaux projets :moteurs de résistance
qui fustigent nos corps et augmentent nos chances,
nos permis de survivre à toutes ces douleurs
qui voudraient terrasser nos membres et nos cœurs !
A quatre-vingt printemps je ne veux pas prétendre
que toutes mes paroles sont bonnes à entendre,
que je peux à l'instar de madame Soleil ,
à la folle jeunesse prodiguer mes conseils .
Je me contenterai de poursuivre ma route,
en suivant les remparts qui protègent mes doutes.
Je ne sais pas bien sûr ce qui peut advenir
mais je conserve en moi tous les bons souvenirs .
Pour marquer mon besoin de poursuivre ma route,
malgré les quolibets , les piques et les doutes,
de tous ceux qui voudraient me faire renier,
dans mon jardin , ce jour j'ai planté un prunier !
Et quand viendra le temps des fruits et confitures
je dirai à tous ceux qui raillaient ma figure :
« Voyez comme la Vie se nourrit d'avenir :
c'est bien le désespoir qui vous fera mourir !
Peytavin Pierre