Lucile
Tirant de la paupière
elle a visé mon coeur.
J'ai reçu sa lumière
et senti sa chaleur.
Elle a battu des cils,
j'ai zippé de la bourse.
Pour avoir le Brésil
j'ai bradé la Grande Ourse.
Ses dents croquaient Paris.
Son corps vantait l'ébène.
Ses yeux mettaient en scène
des amours hors de prix...
Refrain
Elle était Jamaïque,
moi j'étais Charenton.
Elle était magnifique:
j'en devint papillon !
Elle avait la peau noire,
l'auréole en mouton;
moi le crâne en passoire
les sabots en coton !
Elle savait Lucile
penser aux jours sans pain.
Elle vendait son île
pour monnayer sa faim .
Son corps était en flammes :
j'ai bien failli brûler.
Je n'ai fouillé que l'âme
et je n'ai rien volé !
Elle a offert ses lèvres
pour ne plus croire aux mots.
En embrassant sa fièvre
on épousait ses maux ;
Elle a vaincu mes armes
et asservi mes mains.
J'ai vu couler ses larmes
et senti son chagrin.
Et j'ai maudit mon ventre
et tous ces bas instints
qui nous mettent au centre
de pernicieux festins.
En touchant son épaule
je suis devenu noir.
Puis j'ai joué le rôle
d'archange des trottoirs.
En sentant sa poitrine
bandée par le printemps
j'ai senti ses racines
passer entre mes dents
En effleurant ses hanches
où saillait mon bonheur,
j'ai fait de ce Dimanche
un amour en couleur.
Pierre P